Attention, je vais vous raconter un peu ma vie. Premièrement parce que j'adore ça (sorry), deuxièmement parce que j'en ai besoin pour illustrer un point qui me semble CAPITAL, avec des grosses majuscules.

Ce matin quand j'ai voulu mettre son licol à Iota, il a eu un mouvement comme pour m'attraper la main. C'est quelque chose qu'il faisait lorsqu'il était petit mais qu'il ne fait plus depuis des mois (depuis qu'on a trouvé la cause du problème et qu'on l'a réglé). J'ai été un peu surprise, mais surtout un peu énervée parce que bordel, on l'a bien bossé, c'était passé, et là sous prétexte qu'on n'a pas travaillé depuis quelques semaines il redevient chiant STOP ! Je connais cette boucle de pensées par cœur, je passe des heures à expliquer à mes cavaliers pourquoi elle est totalement infondée et comment ne pas tomber dedans, donc j'ai suivi mes conseils (pour une fois) et on s'est mis en route, avec Iota, parce qu'on devait aller d'un point A à un point B et qu'on avait pas le choix.
Sur la route il s'est mis au petit trop. Quand Panda est arrivé par derrière, il a fait un super démarrage suivi d'une jolie croupade. Il a trottiné tout le long du trajet, en cherchant à mâchouiller sa longe.
"Ok", me suis-je donc dit. "Où est passé mon poney merveilleux qui marche en main comme un grand et qui m'accompagne d'habitude calmement dans moult aventures ?"
Puis j'ai fait la liste de tout ce qui a changé dans sa vie ces trois derniers jours. Il est tombé malade, il a été séparé de ses copains et il a découvert un nouveau parc tout petit qu'il ne connait pas où il n'y a que du foin, qu'il ne peut pas manger parce qu'il a mal aux dents.
Donc, il se sent seul, il manque de mouvement et il a faim.
Intéressant.

Parce qu'il est malade, Iota a été privé de trois de ses besoins primaires. Et dans un monde parfait, j'aurais pu gérer son état sans le changer de pré et donc sans ce stress mais on est pas dans un monde parfait, donc j'ai fait au mieux. Il a été extrêmement patient et, compte tenu des conditions, hyper gentil, ce qui m'a permis de l'avoir juste à côté, de le soigner correctement et de dormir sur mes deux oreilles.

Je ne pense pas que les chevaux soient des êtres supérieurs (vous l'aurez surement compris maintenant) donc non, je ne crois pas que Iota "sait" que je fais ce que je fais pour son bien, ni qu'il "comprend" que je suis là pour l'aider et que tout ça est un mal nécessaire. Je pense que Iota est un poulain bien dans ses baskets, qui n'a jamais eu à souffrir d'un manque quelconque, et que par conséquent, il est tout à fait capable de supporter une séparation et de s'adapter à un nouvel environnement.

Je pense aussi qu'au bout de trois jours tout seul à ne pas pouvoir manger à sa faim, il est tout à fait normal, et même carrément sain, qu'il m'exprime son mal-être.

Ce que je trouve tout à fait anormal, et même plutôt horrible, par contre, c'est que mon premier réflexe, lorsque mon poney parfait ose me dire "au fait ça va pas fort" d'une façon plus que raisonnable pour un poulain de deux ans, a été de rejeter la faute sur lui. Ça n'a duré qu'une seconde, mais ça n'empêche que ça a été mon premier réflexe, et ça, ça pue. Ça pue encore plus parce que c'est comme ça que j'ai appris l'équitation pendant plus de vingt ans, parce que c'est ce que j'ai toujours entendu, même sous forme de blague ou boutade, parce que c'est ce qu'on fait. "Il est chiant", "il ne te respecte pas", "ben pour qui il se prend", "regarde où tu marches", "haha le beau cerveau droit extraverti", "il adore se faire remarquer", "il a pas envie aujourd'hui", "c'est vraiment quand ça l'arrange"... Peu importe sous quelle forme, on rejette la faute sur eux.

Sauf que dans cette histoire la connasse c'est moi et il faudrait voir à ne pas l'oublier. J'assume parfaitement ce rôle parce qu'encore une fois, dans le contexte, j'ai fait au mieux pour lui et pour moi. Mais ça serait quand même un peu gonflé de lui faire porter le chapeau. Donc je suis allée toquer chez les voisins, je lui ai trouvé un parc plus grand, avec de l'herbe, sans copain mais ça pour l'instant je ne peux malheureusement rien y faire, et je l'ai laissé trotter pendant tout le trajet. Parce que ce n'est ni un problème comportemental, ni un manque de respect. C'est une expression de son mal-être, et la cause de ce mal-être, c'est moi qui la lui impose.

Un changement (plus ou moins brutal) de comportement a une cause. Toujours. Qu'on peut trouver légitime ou non, pour laquelle on peut faire quelque chose, ou non, qu'on peut estimer importante, ou non. Mais elle existe. Toujours. Et si lui ressent le besoin de l'exprimer, c'est qu'elle est importante à ses yeux.


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