Le poney bouclé

Comme promis, il est temps de vous parler de ce super cheval qu’est le Curly. Je vous passerai le paragraphe historique, parce que l’origine du Curly est très mystérieuse (qui, mais qui pourrait avoir l’idée d’inventer un poney au poil bouclé ? ce qui est sûr c’est qu’il veut rester incognito), donc si ça vous intéresse vraiment, rendez-vous sur notre meilleur ami Google. Ce que je sais, en revanche, ou du moins ce que l’on m’a dit ici, c’est que le Curly descend du Mustang. D’après sexy cowboy, si on attrape quelques uns des sauvages qui trainent par chez nous, on a de grandes chances d’en trouver. D’après Super Manager, à l’inverse, c’est une race rare. Allez savoir, moi j’abandonne. 


Ce qui est sur, c’est que le Curly est hypoallergénique. On se fout de sa gueule parce qu’il ne ressemble à rien, avec sa crinière bouclée et sa queue quasi-inexistante, mais il permet quand même à tous les allergiques au poil de monter à poney, et ça, c’est plutôt pas mal. (L’allemande dont je vous ai déjà parlé a déménagé de Los Angeles à Reno uniquement pour pouvoir monter à poney, parce qu’elle est allergique et que High Desert et le seul endroit où on peut prendre des cours sur Curly. C’est dire.)

 Difficile de vous dire à quoi il ressemble parce qu’avant d’être reconnu comme une race à part entière, il a été croisé avec moult congénères pour être amélioré au maximum. Ce qui fait que chez nous par exemple, on en a peut-être une vingtaine, et ils n’ont rien en commun, si ce n’est leurs cheveux frisés (et pour être honnête, le fait qu’ils ne sont pas très beaux…). Petits, grands, costauds, plutôt fin, très bouclés, presque pas bouclés (on trouve même des Curly aux cheveux raides), de toutes les couleurs… la seule chose qui les relie vraiment, c’est leur caractéristique hypoallergénique. Et apparemment le fait qu’ils soient gentils et dociles, ce qui se vérifie plutôt pas mal sauf pour mon copain Gus, mais qui sait, une fois qu’il sera moins sauvage, il s’avérera peut-être être le plus doux des poneys. 


Il y a six ans, Super Manager a lu un article sur le fameux Curly (je vous raconte l’histoire telle qu’on me l’a rapportée, vu l’amour que tout le monde lui porte ici, ce n’est peut-être pas la plus objective des versions). Ô joie ! Une race rare, à laquelle personne ne s’intéresse vraiment, et où elle peut enfin passer pour une connaisseuse (encore une fois, pas la plus objective des versions, même si, pour fréquenter la femme depuis plus d’un mois maintenant, ça colle plutôt pas mal au personnage). Elle contacte donc sa meilleure amie et son mari millionnaire et les persuade de monter un élevage de Curly. Ce qui en soi, n’est pas une mauvaise idée. Ce qui est une très mauvaise à l’inverse, c’est de décider en plus de collectionner tous les Curly qu’on peut trouver pour « a good deal ». La plupart qu’ils ont récupérés étaient à moitié sauvages, vieux et boiteux, ou pas si vieux mais boiteux quand même, et ils sont presque tous toujours là, à coûter une fortune et attendre patiemment que quelqu’un daigne s’intéresser à eux, ce qui ne risque pas d’arriver tant qu’il seront sauvages. 

J’ai besoin d’une super transition que je ne trouve absolument pas, alors on va faire ça comme on peut. 

En France, et en français, quand on parle des allures du poney, on pense à trois allures : pas, trot, galop. En anglais, américain et tous ces trucs là, on pense à quatre : walk, trot, canter (notre galop) et galop (un galop/canter plus rapide et à quatre temps, l’équivalent peut-être de notre mythique « triple galop » français, ce qui n’a pas beaucoup de sens, puisque c’est un galop à quatre temps et non pas à trois, donc ça aurait été carrément plus logique de l’appeler « quadruple galop » mais bref, passons). Encore une fois, les anglophones nous battent avec leur vocabulaire bien plus diversifié que le nôtre. Pourtant, on les bat sur les allures défectueuses (of course…) 

En anglais, américain et tous ces trucs là, on appelle ça un « gaited horse », qu'elle que soit l'allure. En français, on appelle ça en général un cheval aux allures défectueuses. Non mais sinon tout va bien, aucun dénigrement quant à la différence, chez les français. Si on pousse un peu la chose et qu’on va bien profond, on apprend que ça s’appelle en fait une allure rare, ou une allure amblée. Et on a plein de mots pour en parler (je vous passerai les détails inutiles). 

Deux allures principales : l’amble et le tölt. Pour faire simple (je sens que je vous perds, amis qui n’aimez pas le poney…) l’amble est un trot latéral (les pieds marchent par latéral au lieu de marcher par diagonal). Le tölt est un pas rapide qui ressemble fort a un trot avec pourtant toujours un pied au sol. Ces deux allures sont réputées pour être très confortables. Détestées en France (un cheval amblé n’a aucune chance de sortir en compétition, sauf peut-être catégorie spéciale), elles étaient très recherchées aux Etats-Unis à l’époque des cowboys, parce qu’elles sont plus rapides que le pas, plus confortables que le trot et moins fatigantes pour le cheval que le galop. Aujourd’hui, certains les adorent (Super Manager et ses amis), certains les détestent (Sexy Cowboy), certains trouvent que c’est la solution de facilité parce qu’elles sont si confortables qu’elles sont très faciles à monter (Pocahontas et son besoin de challenge permanent) et certains s’en foutent royalement (le Cowboy sans yeux). 

Ce qui est extrêmement intéressant (si si, croyez-moi, ça l’est) c’est que les allures amblées sont génétiques. Un cheval naît amblé. Il peut l’oublier, mais il ne peut pas l’apprendre. 

Quel est le lien avec les chevaux bouclés me direz-vous, parce que ma transition était en effet des plus pourries ? Le lien, le voilà. 

Avant que le cheval bouclé hypoallergénique ne devienne officiellement le Curly, souvenez-vous qu’il a été croisé avec différentes races pour obtenir certaines caractéristiques. Différentes races dont le Tenessee Walker et le Missouri Fox Trotter, deux races amblées. Ce qui a donné naissance à un Curly amblé. Et dans le ranch où je travaille, on a l’un des rares spécimens restant. 


Pride de son prénom. L’un des plus moches poneys que j’ai eu la chance de rencontrer. Déjà parce qu’en plus de ressembler à un âne, sa tête fait dix kilomètres de long, ce que la liste (la bande blanche au milieu) n’aide absolument pas. Mais surtout à cause de l’inexistence de son cul. Vous devriez le voir avec une selle western sur le dos, on dirait un demi-cheval. Mais que voulez-vous, c’est un Curly amblé, et de ce fait, une rareté qui se doit de procréer. Ici au ranch, on est tous d’accord sur le fait qu’il devrait être castré, à défaut d’être caché dans un placard pour le restant de ses jours. Tous, sauf Super Manager, qui lui trouve moult qualités et s’obstine à le faire couvrir ses chères juments bouclées pour donner naissance à des super vaches comme celle d’hier (le poulain a deux jours et pourtant on sait déjà qu’il n’aura jamais de cul, et un terrible port de tête…) Of course, elle trouve ce poulain magnifique. Et of course, elle veut exhiber Pride dans des shows et autres démonstrations, à la grande joie de Sexy Cowboy qui se retrouve coincé avec une honte de poney entre les jambes.

On a aussi deux autres étalons bouclés (bien mieux constitués que cette fierté de Pride), Peter le sauvage qui s’en va chez Alejandro le mois prochain pour tenter de devenir un champion de dressage, et Chip le palomino beau gosse qui malheureusement cette année a produit du bai. Mais bon, ils ne sont pas amblés, et malheureusement ici, quand on est pas amblé, on est pas si important que ça. 

Voila. J’imagine que vous êtes bien contents de tout savoir sur le poney bouclé et les allures défectueuses. De rien. Si vous avez des questions, n’hésitez pas.

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