Je peux ?

"On ne devrait jamais toucher un corps sans lui avoir demandé l'autorisation avant" me disait hier matin une médecin sur France Inter. Elle parlait des femmes enceintes et de cette manie irritante qu'ont certaines personnes de penser que ce statut en fait un bien commun. On touche le ventre de madame comme on caresserait un poney !


Mais demander l'autorisation, c'est offrir du pouvoir à l'autre sur un plateau. Lorsqu'on commence sa phrase par "est-ce que" on s'expose à un non. On fait aussi preuve d'intelligence de savoir-vivre de politesse de bienveillance mais surtout, SURTOUT, on risque le refus. Et croyez-moi je vous parle en connaissance de cause parce que ce refus je l'essuie depuis plus de trois mois. (C'est ce moment où vous réalisez qu'on est passé de la femme enceinte sur France Inter à Poney dans son pré, sinon ça craint pour moi.)

Bon mais alors si on a osé poser la question et qu'on nous a dit non, qu'est-ce qu'on fait de ce refus ? On pourrait passer des heures à en chercher la cause (been there, j'en ai trouvé au moins quatorze). De là, on pourrait se trouver des excuses, l'amoindrir, le décrédibiliser, refuser de le prendre au sérieux. On pourrait décider de l'ignorer carrément et y aller quand même. On pourrait s'en trouver frustré, blessé, vexé, rejeté. On pourrait décider de le ramener à soi, de se placer en victime, en bourreau, s'auto-flageller jusqu'au non-sens (encore une fois, been there, pas glorieux ce passage). Surtout qu'on sait, nous, à quel point les chevaux aiment les caresses, voyons c'est bien connu !

On peut aussi choisir d'accepter ce refus pour ce qu'il est. On peut prendre ce non pour un simple non, voire même mieux, pour un non merci, et revenir poser la même question le lendemain. Et ça parait simple comme ça, sur écran, mais prenez deux minutes pour y réfléchir vraiment. Vous arrivez au pré, content de voir Poney au loin avec ses potes. Il arrive au petit trot en vous voyant, vous êtes tout sourire, vous revenez du marché les poches pleines de carottes pour l’être aimé. Vous lui en donnez une, approchez votre main de son garrot pour une petite grattouille (on est déjà dans un scénario où vous savez que la grattouille vaut mieux que la tape ou la caresse, et que le garrot fait en principe partie des endroits de prédilection) et d'un coup, Poney tourne la tête et sort les dents. Vous ressentez quoi, à cet instant ? Vous faites quoi, dans les dix-sept secondes qui suivent ? Sachant que s'il sort les dents, c'est qu'il est déjà bien trop tard, la question n'a plus de sens.

Moi j'ai bien galéré. J'ai posé la question à l'un de mes chevaux un matin, pas parce que j'ai soudainement décidé d’être gentille mais parce que quelqu'un m'a mise en face de mes contradictions, m'a bien enfoncé le nez dedans même, puis m'a offert une voie de secours et du soutient. Alors j'ai arrêté de me voiler la face, j'ai posé et reposé la question, j'ai accepté (avec peine) le fait que ce cheval ne veuille pas être touché, en tous cas pas par moi, pas comme ça, pas maintenant. Et puis la semaine dernière il a dit oui, un gros oui tout rond, tout doux, alors j'ai gratté jusqu'à l'épuisement en sifflotant Depeche Mode et j'ai eu le sentiment d'avoir tout gagné. Absolument tout. (Puis le moment est passé, je suis redescendue sur terre, je suis rentrée chez moi pleine de poils, personne n'a compris pourquoi j'étais si contente d'avoir caressé un cheval, bref, la vie a repris.)



Demander l'autorisation, c'est un premier pas vers le consentement. Il est temps qu'on en parle. 

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