Tacos et ses amis


Tacos, de son vrai nom Dimitris, est notre voisin. Dimitri idiote, pas Dimitris, me direz-vous. Eh bien c’est pas tout à fait faux mais pas tout à fait vrai non plus bande de grincheux, vous répondrai-je. En grec, les prénoms se déclinent. On dira donc « Ella Dimitri, viens là vieux frère ! » mais « Dimitris a mangé de la feta ce matin ». Oui, je vous l’accorde, premièrement c’est bizarre de manger de la feta le matin et deuxièmement on s’en fout, mais pourquoi ne pas profiter de mon petit voyage en Grèce pour tous nous cultiver un peu ?

Sur l’île perdue de Skyros, les hommes s’appellent Dimitris ou Yorgos (pardonnez la très mauvaise translittération mais si je vous fous le nom en grec ça va être encore pire). On trouve, échoué ça et là, un Poulivios, Estathios ou autre Filola, mais dans l’ensemble, si on se pointe à une soirée on a peu de chance de se planter en tentant Dimitris. Du coup pour que ce soit moins relou ils ont tous des surnoms et il s’avère que celui de mon voisin, c’est Tacos. Les histoires concernant l’origine de ce surnom sont nombreuses et je me passerai de vous les raconter ici, mais sachez que non, ce n’est pas en référence au plat mexicain que nous affectionnons tant.

Tacos, c’est lui.


Il est probablement l’un des hommes les plus gros de l’île (bien que l’obésité gagne rapidement du terrain en ces temps difficiles) et il en a l’air très content. Son petit scooter un peu moins, puisqu’il disparait complètement sous la masse au point que l’on croit parfois au premier regard que Tacos lévite à un mètre du sol le long de la route. En plus d’avoir un travail, une maison et une femme au village, il possède une ferme à côté de la nôtre et la majorité des terres qui nous entourent. Les deux petites pièces qui composent cette petite ferme sont aujourd’hui le repère du chacal, le point de rendez-vous des fermiers désabusés où chacun peut apprécier un petit verre de Tzipuro et un bout de chèvre avant de rentrer affronter les réalités de la vie. On y trouve souvent, au coucher du soleil, trois ou quatre hommes noircis par le soleil et le fuel, discutant dans un patois local des fatalités de la vie ou tout simplement des trois petites blondes de la ferme d’à côté.

Tacos a des chèvres et poulets. Il fait du miel, du fromage, du foin, alors quand on manque un peu de quelque chose on passe lui faire un petit coucou et en général ça marche. L’année dernière, on était revenues avec les bras chargés de quoi faire une moussaka pour dix personnes. Et du miel pour trois mois. Mais cette fois il était à cours d’abeilles et ne nous a offert qu’un peu de fromage et une invitation à dîner. Tacos, il dirige. Il nous invite à manger, mais Vangelis cuisine et Yorgos range. Lui est assis sur sa petite chaise et fabrique, entre une bière et une omelette aux saucisses, un licol en cuir pour son cousin. Parce que oui, c’est aussi un artisan artiste du cuir. L’année dernière il m’avait promis un bracelet et il aura fallu un an (stupides grecs) mais je l’ai enfin eu. Un quart d’heure de boulot et la chose rempli toutes mes attentes. Stupides grecs tellement doués. On a fait la soirée du jeune Yorgos avec quatre bises, mangé bien plus que l’on aurait dû, bu nos premières bières grecques depuis trop longtemps et appris à distiller du Tzipuro. On a été témoins de la générosité grecque dans sa plus grande splendeur et on est repartie bien repues, et bien contentes.


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