Holy Days #4


Episode 4 – ‘Highway Hell’

Le plan était simple. Prendre le train vendredi soir, arriver à Sacramento samedi matin, passer la journée avec la mère de Grace, rejoindre mon cowboy en fin d’aprèm, rentrer à Reno.

Et puis le plan a changé, parce que je ne suis arrivée que mercredi au lieu de mardi, parce qu’on nous a parlé de ce concert le vendredi soir, parce qu’on passait un bon moment et que ça paraissait bien trop court.

Le nouveau plan était simple. Prendre le train samedi soir, rejoindre le copain de Grace qui allait à Reno dimanche matin, arriver au ranch à temps pour ma leçon avec Crevette à Croquer, attendue depuis si longtemps.

J’aurais dû savoir que rien n’est jamais simple. Samedi matin, la mauvaise nouvelle est tombée. Le copain qui devait m’amener à Reno n’allait plus à Reno. J’aurais effectivement pu prendre le bus, mais celui-ci ne partant pas avant 9h30, je ne serais pas arrivée au ranch avant 14h. Crevette à Croquer serait partie depuis bien longtemps.

« I’ll figure it out. » ai-je dit fièrement à mes amis, et à Patricia qui s’inquiétait grandement.

Le voyage en train fut spectaculaire. Déjà, il est important de noter que, comme tout le reste, les trains américains sont plus gros / grands que les autres. Mais en plus de ça, je vous raconte même pas la place qu’on a à l’intérieur. Je pouvais étendre mes jambes de deux mètres sans toucher le fauteuil devant. Les cinq heures avant qu’il ne fasse nuit furent passée sur une voie unique, qui traverse des kilomètres et des kilomètres de forêt. Cascades, coucher de soleil sur le lac, arbre, arbre, cascade, juste magnifique. Mis à part le mec qui ronflait déjà à 16h30 derrière moi, tout était parfait. Après ça il a fait nuit pendant bien 8h, donc moins sympa, mais j’ai dormi, donc je me plains pas. Enfin je me plains un peu quand même parce que l’abruti d’à côté m’a réveillé pour savoir si on était arrivés à Los Angeles. Je suis pas prof de Géographie mais je crois quand même savoir que si on a pas passé Sacramento, on peut difficilement arriver à LA. Mais merci, j’étais pas du tout au beau milieu d’un rêve bien douillet.


Lever de soleil sur les rizieres. J’etais bien contente.

Arrivée à 5h30 à Sacramento, j’ai tenté une bonne quinzaine de fois de faire marcher le téléphone de l’accueil, sans succès. J’ai donc rejoins un mec qui m’avait fait remarquer à quel point il fait chaud un peu plus tôt (merci, j’avais pas bien fais gaffe) et lui ai demandé avec mon plus joli sourire si je pouvais emprunter son portable. Il m’a sorti une antiquité qui m’a rappelé mon premier frigo, et j’ai appelé Grace. Elle n’avait pas de solution autre que le bus. J’ai dit que je ferai du stop. Elle a dit « Are you sure ? » J’ai dit « Ouais carrément ». J’ai rendu son téléphone au pauvre monsieur qui me regardait avec des yeux plus gros que son bide de bière. Le discours qui suivit sonnait un peu comme ça : 

« Du stop à Sacramento ? Mais t’es folle ! »
« C’est si dangereux que ça ? »
« Bof, t’es une fille, tu trouveras facilement quelqu’un. Tiens, prends ca. Et n’hésite pas à t’en servir hein ! »

Le mec me tendait un couteau de poche grand comme le petit pouce d’une petite personne. Il a entreprit de me montrer comment m’en servir, puis il a dû comprendre que ça servirait pas à grand-chose. J’ai pris le couteau, dis merci, et j’ai filé vers un taxi pour demander la direction à prendre pour rejoindre Highway 80, l’autoroute qui m’amènera chez moi. Normalement, c'est tout droit. 2h30.

Il a dit que c’était pas facile d’y aller à pied, mais que dès qu’il aurait déposé la madame chez elle, il me déposerait gratuitement à l’une des entrées. J’ai trouvé ça louche, mais pourquoi pas, j’ai un couteau de poche maintenant, aucun risque. Je suis montée. 

On a déposé la madame, et puis il m’a proposé un petit-déjeuner. Encore une fois, j’ai trouvé ça louche, mais encore une fois, j’ai un couteau de poche, what the hell ! J’ai quand même dis non. Je devais avoir l’air vraiment pauvre et épuisée parce qu’il m’a proposé trois fois à boire. J’ai sorti mon plus sourire, à nouveau, et j’ai soufflé un bon coup quand il m’a déposée. Avant de réaliser la merde dans laquelle j’étais.

L’entrée de l’autoroute était bien sûr en dehors de la ville. Quand j’ai demandé au seul bonhomme qui passait par là comment se rendre à la station de bus la plus proche, juste au cas où, il m’a regardé avec des yeux encore plus gros que les gros yeux du mec d’avant, et a tenté une vague réponse avant de détaler. Littéralement. J’avoue que j’ai pris un peu peur. Et mon couteau de poche à moyen aidé. Voire pas du tout. En vingt bonnes minutes passées sur le trottoir, j’ai dû voir trois voitures. Dimanche matin, 6h30… J’aurais pu m’en douter. 

Mais tout à coup… Qui vois-je s’approcher ? Mon chauffeur de taxi. Apparemment, il aurait eu un peu pitié, se serait rendu compte qu’il n’y avait personne, et serait donc revenu me chercher. On y croit ou pas, moi j’ai trouvé ça encore une fois super louche mais j’étais bien contente de le voir, alors je suis montée. J’ai pas vraiment eu mon mot à dire sur la destination, il était au téléphone en Pakistanais.

On a roulé un bon moment, et puis on s’est retrouvé sur l’autoroute, direction Reno. L’espace d’un instant, j’ai vraiment cru qu’il allait me ramener chez moi. Mais non, il avait un plan bien mieux que ca. Il m’a laissé sur la bande d’arrêt d’urgence. Juste à l’extérieur de Sacramento, suffisamment loin pour que je ne puisse absolument plus marcher jusqu'à la station de bus. Il m’a laissé là, et il a filé.


J'ai regretté le train et les arbres d'oregon.

J’ai vraiment cru que cette autoroute serait la dernière chose que je verrais. Et je me suis vraiment détestée pour avoir dit à Patricia avant mon départ « Mais non, voyager sans téléphone c’est plus drôle ! » Plus drôle mon cul. Etre coincée sur une autoroute alors qu’il fait déjà 38 degrés un dimanche matin à 7h, c’est définitivement pas ma définition de drôle. J’ai eu beau sortir mon plus beau sourire, et enlever mon pull, les gens m’ont fait coucou mais ne se sont pas arrêtes. J’allais sortir le short quand j’ai remarqué un pick up un bon kilomètre plus loin. J’ai couru comme j’ai pu, trébuchant comme une assoiffée épuisée que j’étais, priant de toutes mes forces pour qu’il se soit arrêté pour moi et pas parce que son moteur chauffait… Je suis arrivée tout sourire. « I’m going to Auburn. » J’ai perdu mon sourire. Auburn est à 15 kilomètres. Super. Désespérée et décidée à quitter Sacramento, la ville qui fait peur (oui parce que je vous rappelle que le meurtre, c’était là bas) je suis montée quand même.

Le mec était en week end, et, profitant du beau temps, il allait passer la journée à la rivière. La seule rivière que je connaisse dans le coin, c’est la Yuba River. Encore une fois, je suis pas prof de géographie, et je suis sûre qu’il y a plus d’une rivière dans les environs de Sacramento, mais j’ai tenté.

Il allait bien à la Yuba River. Encore une fois, tout le tintouin sur la géographie, et la Yuba River doit traverser plus d’une ville dans les environs, mais j’ai tenté.

Il allait bien à Grass Valley. Mon cerveau fut alors sujet à un débat plus qu’intense. M’arrêter à Auburn et tenter le stop jusque Reno, par 40 degré, un dimanche, sur une autoroute déserte ? Aller jusque Grass Valley, prier pour que la Famille du Bonheur ne soit pas en week end et réfléchir à une solution une fois là bas ?

J’ai voté pour Grass Valley. Le mec avait pas l’air bien sûr, il m’a laissé son numéro au cas où, proposant de me ramener à Sac le soir si je trouvais personne… Mouais. Dans tous les cas, je préfère être coincée à Grass Valley, la ville de hippie où je connais quelqu’un, qu’à Sac, la ville à la plus mauvaise réputation que je connaisse, qui est bien trop grande pour que je retrouve la seule personne que j’y connais.

J’ai presque couru la côte qui mène à la maison du Bonheur (presque, parce que tout le monde sait que je ne cours qu’en cas d’extrême, extrême urgence) et j’ai respiré à nouveau quand j’ai vu les voitures sur le parking. Ça a pas duré. Tout était fermé à clef. 

J’ai toqué à la porte du petit cottage au fond du jardin, priant pour que mon Joey blond soit là. Pas de réponse. J’allais littéralement m’effondrer quand il a émergé. Il a ouvert la porte, puis l’a refermée. Puis il l’a rouverte, m’a regardé bizarrement, et s’est excusé. Il avait cru rêver. Mais non. Dans un autre contexte, j’aurais été flattée. Ce dimanche là, à 9h, après 17h de voyage dont les trois dernières heures pas si sympas que ça, j’ai juste réalisé à quel point j’avais faim. La bouffe étant trop chère dans le train, mon dernier repas remontait à la veille au matin.

On connait tous l’importance de la bouffe pour mon petit organisme. Pourtant, quand j’ai vu la chevelure rousse émerger au fond du jardin, j’ai vite oublié mon trou au fond de l’estomac. Clio contente. 

Assise au bar de la cuisine, j’ai mangé du raisin, raconté mes péripéties, essuyé les remarques concernant mon inconscience et savouré la perfection de ce moment. Je ne vais pas mourir rôtie sur une autoroute. Ils ont tous ris quand j’ai montré mon couteau de poche. Ouais c’est ce que je pensais aussi. Mais bon, merci monsieur, l’intention était bonne. 

La suite fut bien plus agréable. Mon Joey blond accepta de me ramener à Reno en échange d’un petit déjeuner. Il a fini par etre super content, parce qu'il n'avait jamais touché de poney, ce à quoi on a remedié. J’avais déjà abandonné tout espoir d’arriver à temps pour ma leçon mais on a quand même décidé de battre le temps annoncé par le GPS, juste pour le fun, ce qu’on a fait. De 20 minutes. Il était 11h30 quand je suis arrivée au ranch. J’étais prête à aller dormir, mais j’ai rejoins Crevette à Croquer et j’ai tenté de suivre les trois leçons qu’il donnait. Il a bien rit au récit de mes aventures. Il a aussi dit qu’il aurait carrément pu me récupérer à la gare en passant, puisque c’est sur sa route pour venir jusque Reno. J’ai vraiment cru que j’allais pleurer. Oui chers amis, j’ai passé une heure dans le taxi d’un mec plus que louche, fréquenté la bande d’arrêt d’urgence d’une autoroute par un jour de canicule et échoué à Grass Valley alors que j’aurais pu simplement faire trois heures de voiture tranquillou avec un cavalier professionnel ultra parfait. Merci Clio. Change rien. 

J’allais utiliser mon couteau de poche pour me trancher la gorge quand Crevette à Croquer a sorti un truc du genre « Dommage que j’ai pas de chambre d’ami, sinon je t’aurais ramené avec moi, tu aurais pu monter mes chevaux pendant quelques jours… » 

Du tranchage de gorge, on est passé à la crise cardiaque. Quelques instants plus tard, quand je me fus remise, et que j’eu dérougie, il fut convenu que j’irai passer quelques jours chez lui la semaine prochaine, après avoir fais mes adieux au ranch, avant de rejoindre San Francisco. 

La journée et demi fut plus que longue. Mais elle en valait carrément la peine. J’ai gagné un couteau de poche, une bonne histoire à la Clio à raconter à mes copains, et trois jours chez un cavalier pro.

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