Holy Days #1


"One thing’s for sure, you’ve lighten up this place. You will be missed kiddo." 


Quoi de plus agréable au retour des vacances ? De quoi me confirmer l’idée que je suis contente d’être de retour pour deux semaines de plus. Mais assez de chauffage personnel, je sais que vous mourrez d’impatience d’entendre le récit de mes supers vacances.


Episode 1 - "Grass Valley et la Famille du Bonheur"

Après une bonne semaine, au bas mot, passée à essayer d’organiser mon voyage en Oregon pour faire un dernier bisou à Grace, ma Lesbian Lover, on avait presque un plan. Du moins, on savait que mon hipster préféré, descendu passer le long week end en Californie, quitterait Grass Valley mardi matin, direction Corvallis, ma destination. On savait aussi que ce week end là, la famille merveilleuse chez qui on a passé quelques jours pendant notre road trip partait en direction de son chalet au lac Tahoe. Soit à mi-chemin entre chez moi, Reno et chez eux, Grass Valley. Après moult négociations, il fut décidé que la femme de mon cowboy m’amènerait au Mc Dal de l’aire d’autoroute de Truckee, où m’attendrait un ami en route pour le chalet. Ça s’annonce déjà pas compliqué.

Dans tous mes récits, je me rends compte que je n’ai jamais pris le temps de vous parler correctement d’un des passages de mon road trip préféré et des rencontres que j’y ai faites. Ce qui est un tort impardonnable, parce qu’elles font définitivement parties des plus belles. 

Grass Valley, c’est le village de hippie ou vivent l’oncle et la tante de Grace. À ses 18 ans, le lycée fini, cette dernière a décidé d’aller vivre chez eux, dans le petit cottage qu’ils ont au fond du jardin. Elle y a passé deux ans. Ses deux plus belles années, à l’entendre, et après y avoir passé deux jours, je crois que je vois pourquoi.

Lui est atteint d’une maladie mentale et a été hospitalisé un peu avant que j’arrive. Les deux seuls mots utilisés pour le décrire ont été ‘sweet’ et ‘funny’. ‘The sweetest guy on earth’ serait même plus honnête. Elle a la chevelure rousse la plus abondante que j’ai jamais vue. Et une aura de paix et de joie intérieure emplie chaque pièce dans laquelle elle se trouve. Vivent aussi dans cette maison qui sent toujours bon la bonne bouffe leurs deux enfants. Elle, 13 ans, ballerine au crâne rasé, première supportrice d’Obama, en plein projet sur la place de la femme dans la religion musulmane. Lui, 16 ans, roi du sarcasme qui suit des cours de débat, élève ses propres poules et commence son jardin bio.


Ça, c’est comme on est content dans la Famille du Bonheur. Malgré.

S’ajoute à ce magnifique monde l’auxiliaire de vie maintenant chômeur, 23 ans, le nouvel habitant du petit cottage au fond du jardin. Il est l’être le plus naïf que j’ai jamais eu la chance de rencontrer, et c’est ce qui le rend si formidable. Joey ! Voila à qui il me fait penser. Joey, dans Friends. Mis a part qu’il fait des études de bio. Étonnant comme on peut jouer sept parties de cartes avant de se rendre compte qu’on ne joue pas le même jeu que les trois autres personnes et réussir haut la main l’équivalent des concours d’infirmier ici. Issu d’une famille pauvre aux membres gros, peu cultivés et d’esprit très fermé (ses propres mots, je n’invente rien), il a traversé le pays pour venir aider cette famille en prenant soin du père malade. Avec l’hospitalisation de celui-ci, ses plans ont quelque peu changé mais il a été décidé qu’il resterait au cottage, parce qu'il fait maintenant partie de la famille. Il est le genre de mec qui oublie où il a garé sa voiture dans une ville inconnue, la cherche jusqu'à ce que la nuit ne tombe, ne la trouve pas, et paye à manger à des sans-abri en échange d’un endroit où dormir pendant deux jours. Il est le genre de mec qui répond « j’y avais pas pensé tiens » quand je lui demande pourquoi il n’a pas pris le bus pour rentrer chez lui. Il est le genre de mec qui a deux heures de retard parce qu’il a oublié de rentrer les poulets avant de partir en week end.

J’ai donc passé deux heures au Mc Dal de l’aire d’autoroute à attendre mon Joey blond. Drôle comme les Mc Dal amerloques ne ressemblent en rien aux Mc Dal français, by the way. Deux heures à attendre, sans téléphone, au milieu de nulle part. C’est à ce moment la que pour la première fois, je me suis dit qu’il vaudrait mieux pour moi que tout roule comme prévu, parce que je n’ai aucun moyen de prévoir un plan B. Je ne le savais pas encore, mais j’étais destinée à retrouver ce sentiment puissance dix quelques jours plus tard.

Mais il est arrivé. On a pris la route, écouté dix fois son CD qui n’a que deux chansons parce qu’il n’a pas réussi à graver les trente autres, dont une chanson à l’origine plutôt sympa mais version techno parce que le CD était rayé, et après avoir réussi à se perdre alors qu’il n’y a qu’une route qui mène à Echo Lake, on a fini par arriver. On devait appeler la Famille du Bonheur pour qu’ils viennent nous chercher, mais on avait pas de réseau… Ils ont fini par arriver. On est montés dans le bateau.




On est arrivés au chalet.


On était super contents. On m’a montré mon lit.


J’étais encore plus contente. Jusqu'à ce que la nuit ne tombe, et que je me rende compte à quel point on se gèle les parties basses, dehors, la nuit, à 3 231 mètres d’altitude. Surtout avec un Joey blond qui a réussit à mourir de chaud, perdu sous les dix couvertures qu’il m’a volé dans la nuit pendant que je luttais dans mon simple sac de couchage. Quand je lui ai demandé pourquoi il en piquait une de plus à chaque fois que je tentais de tirer un brin dessus, il a répondu, tout naturellement : « Ah ! Je pensais que tu les prenais juste pour m’emmerder. Mais c’est vrai que maintenant que j’y pense, tu as du avoir froid… »

Mais c’est sans importance. Les étoiles étaient magnifiques. Au petit matin, la vue de mon lit était juste parfaite. Je vous parle même pas des oiseaux qui chantent et du bruit des vagues sur la mini plage. 

Le lendemain, il a plu. On a joué aux cartes, mangé du fromage, et bu du vin au coin du feu. On a repris le bateau sous la pluie en fin de journée, on a dit au revoir à la famille et on est partis pour Grass Valley. Après un bouchon passé à arbitrer un débat sur la légitimité du christianisme entre deux adolescents, j’avoue qu’on était tous contents d’arriver.

Grass Valley est une petite ville mignonne, pleine de hippie, traversée par la Yuba River, dont ils sont tous amoureux. J’ai rencontré au moins dix personnes qui m’en ont tous parlé des étoiles dans les yeux. C’est le premier endroit ou m’a emmené Grace quand on est arrivées il y a deux mois. Et on comprend vite pourquoi tout le monde l’aime. Exactement comme la Famille du Bonheur, la Yuba River transporte avec elle la paix des Sierra Nevada, la joie des hippies et un certain caractère porté par les rapides et les courants qui l’habitent. Grace s’y est jetée ce jour là, à peine arrivées, malgré la pluie. J’avoue que même moi, j’y ai nagé. Et pourtant, le barbu là-haut sait que je n’aime pas l’eau.


Ça, c’est Grace qui essaye de convaincre Joey qu’il ne va pas finir paralysé en sautant dans la rivière.



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