Miracle at the Circus

Il est 21h30, je suis en pyjama et je lis tranquillement mon bouquin. Robert et sa femme sont partis passer le week end en amoureux, et me voilà seule au milieu de nulle part. Depuis que l’on me raconte les faits divers américains, et que l’on me rabâche qu’ici, on possède une arme pour se protéger, j’avoue que je suis moins tranquille qu’avant. Stupides américains qui auraient peur de leur propre ombre. Il fait nuit noire, et une première voiture vient interrompre la chansonnette poussée par les grillons. Suivie d’une deuxième. Une, je veux bien, deux, je commence à m’inquiéter. 

Ni une ni deux, j’enfile mon survêt’ et mon pull Marshall (de quoi faire fuir le plus affamé des violeurs) et m’en vais braver le noir, cette petite voix me rappelant que dans les films d’horreur c’est toujours comme ça que ça commence… Mais c’est bien pire qu’un film d’horreur qui s’offre à moi. Devant la stalle de la jument prête à pouliner, je trouve Super Manager, son mari, Pocahontas et son mec. Et merde, trop tard pour faire demi-tour, je suis invitée à la fête. 

Alors que les quatre s’empressent autour de la pauvre jument, je reste en retrait. Si j’étais un poney en train de mettre bas, je suis pas sûre que j’apprécierais beaucoup les pleins phares braqués sur moi et quatre personnes des plus bruyantes à trois centimètres de ma tête, tous y allant de leur petite anecdote inintéressante sur leurs expériences passées. Dix minutes passent, les deux antérieurs sont là, la tête aussi, mais le reste ne suit pas. 

« Clio, have you ever done that before? » 

Super Manager me regarde, l’air un peu désespérée. Heureusement pour elle, j’ai un vague passé dans le domaine (et pour la première fois je suis contente de dire merci l’Irlande !). On me demande de m’approcher, de donner mon avis. Je m’excuse de mon impolitesse et leur dit que s’ils se taisaient, ça aiderait peut-être un peu. Les chevaux aiment mettre bas dans le calme. Tout le monde me regarde, un peu interloqué. Pocahontas s’empresse de me donner raison et de s’excuser. Super Manager me jette un regard froid et reste silencieuse. Le poulain est encore dans sa poche. On décide d’appeler le vétérinaire, juste au cas où. Sauf que personne n’a de téléphone. Really ? Quatre personnes viennent contrôler la jument, et pas un n’amène son portable ? Toujours plus chez les américains. 

Alors que le mari de Super Manager se décide à aller chercher le sien, la jument se décide elle à pousser une bonne fois pour toutes. On aide le nouveau-né à se dépêtrer de sa poche de liquide amniotique (si mes souvenirs sont bons) et maman-poney s’apprête à s’endormir. J’avoue qu’elle a bien mérité une sieste. 

(Pour ceux qui ne sont pas familier avec les poneys, légère parenthèse. Un beau jour, monsieur Miller a décidé que le poulain est le plus réceptif dans les trois premières heures de sa vie, c’est donc un parfait moment pour le toucher, lui prendre les pieds, l’habituer à la présence humaine, et tout le tralalala. Pourquoi pas. C’est une pratique très courante chez les cowboys et horsemen en général. Je n’ai personnellement pas vraiment d’avis sur la question, à condition qu’on laisse à la mère et au petit un moment pour créer un lien avant de leur sauter au cou. Et je ne pense pas être la seule à penser ça, on sait tous qu’il ne faut pas toucher un chaton à la naissance ou sa mère risquerait de ne pas le reconnaitre. Cette petite mise au point faite, reprenons le cours de notre récit.) 

Maman récupère doucement, bébé est encore tout étourdi, et vu qu’aucun des deux n’a bougé depuis la naissance, il est trop loin d’elle pour qu’elle puisse ne serait-ce que le sentir. Voyant Super Manager prête à lui sauter dessus, je prends mon courage à deux mains et lui demande de ne pas toucher le poulain avant la mère. Aouch. Peut-être pas ma meilleure idée de l’année. Mais tant pis, j’ai des opinions auxquelles je tiens, si elle sait mieux que moi, qu’elle me le dise. 
« Well, that’s what they do here you know, it’s called imprenting… » 
Et moi de lui répondre que oui, je connais, mais que ça n’empêche que mère et petiot ont besoin de faire connaissance avant. Je m’attendais à me faire rembarrer comme jamais, limite à ce qu’on me demande de faire ma valise… Mais non. Elle a reculé, et elle a attendu. 
Alleeeez ! Bien joué Clio. 

Je crois que c’est a partir de ce moment là qu’elle m’a nommée chef des opérations. Une fois la jument relevée, je me suis donc chargée de faire un nœud au reste de sac amniotique / début de placenta dégoulinant de son derrière pour qu’elle ne marche pas dessus (la chose la plus visqueuse et dégueulasse au monde), puis, une fois le placenta sorti de son plein gré, j’ai eu la joie de l’étendre de tout son long dans le sable pour vérifier qu’il n’en manquait pas un bout. Les mains pleines de sang, les cheveux dans la gueule, sans soutif et en sandale, finalement, un vendredi soir comme un autre quoi. 

La suite fut très longue. Le petit, qui est en fait une petite, a mis près d’une heure à se lever. Et après ça, presque une autre avant de finalement trouver les mamelles et de boire son colostrum, ultra-important puisqu’un poulain naît sans aucune défense immunitaires, qui se trouvent toutes dans cette première tétée. Tout le monde nous a abandonnées, et Super Manager et moi sommes restées là jusque minuit passé, les doigts croisés pour que tout se passe bien. 

Une fois le petiot abreuvé, j’ai fait remarquer à Super Manager que maintenant serait un bon moment pour aller jouer avec. Prudemment, elle s’est approchée avant de se retrouver face a maman, les oreilles braquées en arrière. 
« I don’t want to rush into it, tomorrow will be fine to do it. » 
Haha. D’accord. En arrivant ce matin, elle a passé deux heures à raconter à Sexy Cowboy comment elle a pris le temps hier soir de manipuler le nouveau-né… What a surprise ! 

Je n’ai pas de photos de la mise bas, mais j’ai une photo de la petite ce matin. 
Appelez-la Marguerite. 


Aujourd’hui, Pocahontas a passé la matinée à me remercier pour avoir pris les choses en main et empêché Super Manager de faire des conneries. Elle a même envoyé un message à mon cowboy pour lui dire « Thank God Clio was here. » Je suis contente d’avoir ouvert ma gueule. 

Ce matin j’ai fait sauter mon futur poney de concours pour sa première fois, et ma première fois depuis bien 5 ans et cet aprèm j’ai sauté un petit parcours avec Fiesty le poney moche. 
Happy Clio.

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