Same Love


Après une question de Marine, je me rends compte que je n'ai pas eu la joie de vous présenter mes Américains préférés. Voici donc réparation.

En juin dernier, je terminais un long, long stage en Irlande, dans un endroit pas si super, après une année un peu moche, et beaucoup de pluie. Bref, comme vous le savez, c'était la joie.

Un sac sur le dos, j'ai quitté ma caravane et je suis descendue au sud de l'Irlande, chercher un peu de soleil, et la mer. J'ai trouvé la mer. Non je suis mauvaise langue. J'ai trouvé un brin de soleil aussi. Et j'ai surtout trouvé Grace. Ô joie.


Après une nuit pas trop mal à Kilkenny (puisqu'après qu'on m'ait offert à manger et quelques bières, j'ai pu m'échapper discrètement de cette bande de français pas très intéressante), j'arrive à Cork revigorée, parce que le cycliste dans le bus était gentil. A l'auberge de jeunesse, je balance délicatement mon sac sur un lit qui grince avant de me rendre compte qu'un surfeur blond californien dort juste à côté. Il s'avérera plus tard, pour mon plus grand bonheur, qu'il était bien blond, et californien. Juste pas surfeur. Sur le lit du dessus, sa copine dessine.
Je me sentais seule, j'aurais bien trouvé des amis avec qui passer quelques jours à Cork, donc comme vous vous en doutez, je n'ai pas entamé la conversation. Mais Grace l'a fait.

A l'époque (je viens de taper "à l'époque" sur Google pour trouver un à majuscule avec accent à coller ici, et je suis tombée sur le clip de la Fouine, j'ai pas trouvé l'accent mais j'étais contente), je finissais ma licence, et j'avais dans l'idée de partir à Sacramento, en Californie, travailler avec le cowboy que j'ai rencontré un été en bossant dans une association en Ecosse. Tel était le plan, que je lui annonçais donc fièrement. Ô surprise ! La mère de Grace habite Sacramento. Et elle-même habite à une heure de route. Quelle coincidence !
Quelques litres de salive plus loin, entre le réveil de Daniel et une pizza à emporter, ils me parlent de leur idée d'aller en France et de leurs finances inexistantes. Ô surprise ! J'habite à Lyon (enfin non, à ce moment là je n'habite plus nul part, mais bon, avec tous mes amis, je trouverais bien quelqu'un pour les aider là-bas non ?)
Pendant que j'étais en Ecosse, fin juin, ils étaient donc chez mes parents. On s'est croisés avant leur départ pour l'Italie, la fête de la musique, un picnic dans les Alpes, deux blagues hilarantes, bref, la routine.
En trois mois, mon plan de cowboy à Scramento est tombé à l'eau, un nouveau plan de cowboy à Jackson, Californie (enfin je croyais...) est apparu, Grace et Daniel ont démménagé à Corvallis, en Oregon, et mes billets pour Portland étaient achetés. Ce qui nous ramène à vendredi 29 mars, mes trois avions et ce foutu service de l'immigration.


A Corvallis, où j'ai passé trois jours, j'ai rencontré les complètements fous mais merveilleux colocs de G&D. Un chinois bègue d'1m90 au coeur plus gros que lui, qui démonte des air guns juste pour pouvoir les remonter et fabrique des voitures solaires, et sa femme, une lesbienne aux trois masters, qui vient de mettre au point pour sa thèse un nouveau filtre qui permet d'améliorer l'efficacité des panneaux solaires. Ils sont saoûls plus souvent qu'ils ne sont sobres, ils papotent de choses totalement incompréhensibles comme on papote de la météo. Ils parlent ouvertement de leur relation à trois, et militent pour le mariage gay. Quand il parle d'elle, il me raconte sa demande en mariage. "I wanna marry you because I can't imagine the rest of my life without you, but I don't ever wanna get in the way of you being a lesbian." Quand elle me parle de lui, elle me dit qu'il est la plus belle chose qui lui soit arrivée, et qu'elle ne peut vivre sans lui. Ils sont amoureux l'un de l'autre autant qu'ils le sont de la science et des rencontres, et leur relation donne à penser.


A portland j'ai rencontré mon hipster préféré, un ami à Daniel, mon premier crush Américain. 
A Arcata j'ai rencontré un amoureux des arbres aux blagues rigolottes, vieil ami de Grace, et son ami l'émo et son amie la fan de baseball et sa copine qui m'a invité à passer une semaine à Los Angeles en juin. 
A Sacramento j'ai rencontré la mère de Grace, une artiste enfouie sous un trop plein de boîtes, et son amie gypsy. Elles forment une belle paire de pensées vertes, dans leur monde de hippie des premières heures, un peu perdues dans la banlieue beauf de la ville.
A Grass Valley, j'ai rencontré la famille de Grace, un concentré d'idées politique dans une petite ville écolo posée près de la Yuba River, entre deux collines. On y marche pieds nus, on y mange bio, on y porte des jupes en lama (Marine, tu serais chez toi là-bas). On s'y sent bien, quoi qu'il arrive.
A Nevada City (on se rapproche), j'ai rencontré le Grand-père, le descendant de Davy Crockett en personne, qui possède une magnifique propriété entourée d'arbres et d'ours. Entre deux tasses de thé, il nous déclame un poème écossais, nous lit un extrait sur les origines de Clio, la muse, et nous raconte ses moult histoires de coeur. Il loue sa deuxième maison à l'héroïne du Projet Blair Witch.

Entre toutes ces belles rencontres, de la route, de magnifiques paysages où pluie et nuage jouent à chat, où montagnes et vallées jouent à Tétris. Dans la voiture, de longues discussion sur les Etats-Unis, la vie ici quand on a des valeurs aussi écolos que celles de Grace, le futur de la planète, les hommes et les poneys. Mais surtout, le CD de Mackelmore en boucle, et la chanson Same Love, qui nous a fait si souvent passer pour deux lesbiennes aux yeux des inconnus croisés. 

Un magnifique voyage. Et aussi contente que je sois d'être arrivée au ranch, je suis un peu triste quand même que ce soit fini.

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